Dans les Bouches-du-Rhône, l’état dramatique de la protection de l’enfance
« Tous les dispositifs de protection sont saturés » indiquent en préambule les rapporteurs de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas), dans ce document rédigé en 2022 après l’audition de 450 professionnels, dont les assistants familiaux, d’une centaine de mineurs et jeunes majeurs et de plusieurs dizaines de parents dans le département des Bouches-du Rhône.
Ce territoire, marqué par une grande pauvreté particulièrement à Marseille, « présente des facteurs de risque très élevés pour la vulnérabilité des enfants » et, par ricochet, « place les services sociaux du département sous grande tension ».
Seulement 14 % d’enfants en accueil familial
Alors que 41 %, en moyenne, des enfants confiés en France sont accueillis chez des assistants familiaux, ils sont seulement 14 % dans ce département au 31 décembre 2020, soit un taux en chute libre depuis 2010. A Marseille, seuls 7 % des enfants sont en accueil familial, contre 80 % à Istres, en raison notamment du prix du foncier à Marseille et de l’état des logements.
Départs massifs à la retraite
En 2021, 484 professionnels étaient employés par le département pour 737 enfants, et 76 assistants familiaux étaient salariés par des maisons d’enfants à caractère social (Mecs). Or 290 départs à la retraite sont prévus au cours des dix prochaines années, soit 60 % des effectifs - sauf en cas d’application des dispositions dérogatoires de la loi du 7 février 2022 permettant la poursuite d’activité au-delà de l’âge légal, qui pourrait légèrement atténuer cette courbe.
Des incitations financières
Pour autant, selon la mission, le département a « consenti des incitations financières qui en font l’un des départements les plus attractifs de France en termes de rémunération des assistants familiaux » : primes, rémunération du premier accueil à 157,50 h Smic, salaire moyen pour l’accueil de deux enfants à 3008 euros et 4020 pour trois enfants ».
« La faiblesse de l’accueil familial représente une perte de chance pour les enfants, en particulier pour les moins de 6 ans » indiquent les rapporteurs. « Le manque d’accueil familial conduit à maintenir les plus jeunes enfants dans un accueil d’urgence pour des durées excessives de séjour, au détriment de leur stabilisation affective et psychique. De façon générale, la très faible part d’accueil familial dans le département ne permet pas de répondre aux besoins exprimés, seuls 36 % des enfants confiés de moins de 6 ans étant accueillis en famille d’accueil ».
Renforcer le soutien aux professionnels
Afin d’y remédier, la mission suggère de renforcer l’accompagnement professionnel des assistants familiaux, conduit actuellement par six travailleurs sociaux pour 80 professionnels, ce qui ne permet pas « un suivi rapproché et des visites à domicile régulières ». L’ensemble des professionnels devrait également pouvoir bénéficier d’analyse de la pratique.
Autre recommandation : renforcer l’intégration des assistants familiaux dans les équipes des maisons des solidarités, où ils n’ont parfois pas accès à des espaces dédiés ni au parking professionnel. « Les assistants familiaux expriment régulièrement le fait qu’ils ne sont pas considérés comme des pairs par les référents ASE, que leur parole est peu écoutée, et qu’ils ne sont pas sollicités pour les audiences », ce qui peut « nuire à l’attractivité du métier, mais aussi à la qualité des décisions prises pour les enfants confiés, dans la mesure où l’assistant familial dispose d’une expertise spécifique du fait de son suivi quotidien de l’enfant ».
Tiers dignes de confiance et parrainage
Enfin, la mission propose de renforcer les réseaux de parrainage pour les enfants confiés et l’accueil chez les tiers dignes de confiance, en s’appuyant sur les nouvelles dispositions de la loi du 7 février 2022. « La priorité des services de l’ASE doit dès lors être de rechercher le placement de l’enfant dans un environnement non institutionnel, qu’il s’agisse d’un membre de la famille ou de l’entourage ou d’un tiers, l’accueil dans un environnement professionnel ne pouvant intervenir qu’en cas d’impossibilité de mettre en œuvre les premières possibilités » indique les rapporteurs.
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