Protection de l’enfance : les dysfonctionnements au grand jour
Un an après la diffusion sur France 3 d’un documentaire « choc » sur les défaillances de la protection de l’enfance, qui avait permis la nomination longuement attendue d’un secrétaire d’État dédié, le nouveau documentaire diffusé hier a montré à peu près les mêmes défaillances.
Et il engendre à peu près les mêmes réactions : posture défensive des départements et de certains professionnels, posture « réactive » de l’État qui comme toujours annonce de nouvelles mesures, et bien-sûr indignation du grand public, des représentants des enfants placés et de nombreux professionnels.
Car au-delà de la forme du documentaire critiquée par certains – choix éditorial, caméra cachée montage, etc. – il montre un fait incontestable : certains enfants placés subissent des violences graves, inacceptables, indignes et insupportables.
Situation alarmante
A qui la faute ? L’Assemblée des départements de France (ADF), anticipant le scandale en publiant un communiqué avant la diffusion, estime que « de longue date, les Départements ont alerté le gouvernement sur cette situation alarmante ». Elle demande un contrat tripartite liant l’État, les départements et le secteur associatif, la mise en place d’un programme d’État pour la pédopsychiatrie, et l’instauration d’un répertoire national des agréments des assistants familiaux ayant fait l’objet d’une suspension définitive.
On pourra s’étonner d’une telle proposition – non de sa légitimité – alors que le documentaire, qui pointe principalement les défaillances des Centres départementaux de l’enfance et de la famille (CDEF) et d’autres établissements – ne situe aucune scène chez des assistants familiaux. Tout juste voit-on la députée Perrine Goulet rencontrer des assistantes familiales dans un endroit caché car ces professionnelles souhaitent garder l’anonymatpour évoquer leur situation professionnelle (ndlr : situation fréquemment rencontrée par L’assmat lorsqu’il s’agit de parler des relations avec les Conseils départementaux).
Courriers et rapprochements
Le département de Seine-Saint-Denis, dont l’un des foyers d’accueil d’urgence est mis en cause dans le documentaire, évoque des « imprécisions ou contrevérités regrettables ». Il rappelle qu’avec « près de 600 agents, plus de 500 assistants familiaux et 300 millions d’euros dédiés chaque année à l’Aide sociale à l’enfance (ASE) », il est celui qui « affiche le plus haut niveau de dépense pour sa politique de protection de l’enfance, rapporté au nombre de ses habitants ».
De son côté Adrien taquet, secrétaire d’État chargé de la protection de l’enfance, a annoncé plusieurs mesures :
► une demande par courrier aux préfets de départements de transmettre la description de la procédure de signalements mise en place par le Président du conseil départemental.
► une demande aux préfets de départements d’un rapprochement avec les Présidents de conseils départementaux pour connaître le plan départemental annuel de contrôle des établissements et lieux d’accueils de l’ASE.
Aucun moyens supplémentaires
Toujours pas de moyens supplémentaires, donc. Le secrétaire d’État rappelle les engagements contenus dans sa stratégie de protection de l’enfance présentée le 14 octobre 2019, notamment la « contractualisation » avec les départements sur le sujet… qui ne concerne aujourd’hui que trente départements et n’est censée se déployer pleinement qu’à l’horizon 2022.
A noter la réaction du Groupement national des établissements publics sociaux et médico-sociaux (Gepso) qui « condamne avec la plus grande fermeté les faits de violence » montrés dans le documentaire et invite le secteur à « la transparence ».
Enfin sur Twitter, l’ancien enfant placé et membre du Conseil national de la protection de l’enfance (CNPE) Lyes Louffok a fortement réagi. « Ce ne sont pas les faibles annonces d’Adrien Taquet qui feront cesser les violences à notre encontre. La situation n’a pas évolué, elle a empiré. C’est stupéfiant. Ce matin, la déception laisse place à la colère ».