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Protection de l’enfance : un ensemble de défaillances dans toute l’Union européenne

Protection de l’enfance : un ensemble de défaillances dans toute l’Union européenne
Publié le 28/03/2025
Laetitia Delhon
Journaliste spécialisée dans le travail social et médico-social, la petite enfance et le handicap
Manque de professionnels, de cohérence, de prévention, de financement : un rapport de l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne montre une situation critique sur le territoire européen.

« Engagement politique insuffisant », « absence de législation spécifique », « absence de stratégies globales en faveur de l'enfance », « coordination inadéquate entre les acteurs », « absence d'un cadre juridique et réglementaire unifié » « insuffisance des moyens alloués aux services », « absence de budgétisation des droits de l'enfant » : nous voici au coeur de l’Union Européenne et de sa politique à l’égard des enfants confiés à la protection de l’enfance.
 

Violence « persistante »

Dans son rapport intitulé « Vers des systèmes intégrés de protection de l’enfance », l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne dresse un état des lieux peu reluisant du secteur, pays par pays, malgré quelques « évolutions politiques positives » et des dispositifs innovants ici et là. Elle s’appuie sur une cartographie des systèmes de protection des 27 États membres, actualisée en 2023.

Par « systèmes intégrés », la Commission européenne qui s’est dotée d’une première stratégie européenne pour les droits de l’enfant en 2021, entend une « approche unifiée, collaborative, globale et coordonnée de la protection de l'enfance », considérée comme une « priorité globale de l'Union ».

Mais il reste manifestement beaucoup de chemin à faire. D’abord, les données, bien que largement manquantes ou incomplètes, montrent une violence « persistante » à l’égard des enfants, l'augmentation de leur taux de pauvreté, l’aggravation des problèmes de santé mentale à la suite de la pandémie de COVID-19 et des fortes vulnérabilités multiples subis par certains enfants.

Covid dévastateur

Près d'un enfant sur quatre (24,8 %) dans l'UE vit dans un foyer exposé au risque de pauvreté ou d'exclusion sociale en 2023.« La pandémie de COVID-19 a eu des conséquences dévastatrices pour de nombreuses familles dans l'UE, et les enfants ont été particulièrement touchés » relève le rapport.

Terminologies différentes entre les pays, absence de définitions et d’indicateurs communs : tous ces facteurs rendent « difficile l'élaboration de mesures et de réponses politiques appropriées », ainsi que la comparaison transnationale.
 

Manque de moyens

L’Agence alerte également sur la part croissante du secteur privé dans le secteur, notamment aux « conflits potentiels entre l'intérêt supérieur de l'enfant, d'une part, et les intérêts lucratifs du secteur privé, d'autre part ».

« Dans la plupart des États membres, les moyens alloués à la protection des enfants sont jugés insuffisants » souligne le rapport, qui poursuit : « très peu d'États membres allouent des crédits budgétaires spécifiques à l'enfance. Même dans ceux qui le font, la manière dont l'allocation budgétaire pour la protection de l'enfance est planifiée, développée, coordonnée, évaluée, suivie et mesurée n'est pas très claire ».
 

Services surchargés

Partout, « les prestataires de services de protection de l'enfance et de la jeunesse sont surchargés » et manquent de professionnels, qui ne sont pas suffisamment rémunérés. L'embauche de remplaçants non qualifiés représente dans certains États membres, près de 30 % des travailleurs sociaux du secteur. « L'absence d'un nombre suffisant de professionnels hautement qualifiés travaillant avec les enfants constitue une grave menace pour la sécurité des enfants » indique l’Agence.

Selon les estimations, 800 000 enfants dans l’Union européenne confiés à la protection de l’enfance vivent en dehors de leur famille d’origine. Si les tiers digne de confiance et le placement familial sont considérés comme les formes de placement les plus favorables, les pays membres font état d’un manque de forces vives.
 

Changer de braquet

Le Comité des droits de l'enfant et le Comité des droits des personnes handicapées ont également dénoncé le nombre élevé d'enfants placés en institution dans certains États, parfois la première réponse apportée. « Dans certains États membres, la surreprésentation des Roms et des enfants handicapés dans le système de protection de l'enfance reste préoccupante » relève enfin l’Agence, appelant les États à redoubler d’effort pour faire respecter les droits des enfants.