Développement des enfants et modes d’accueil : une étude scientifique inédite
C’est la première étude scientifique française établissant un lien entre la fréquentation des modes d’accueil et le développement psychologiques de l’enfant à moyen terme. Les résultats de cette recherche ont été publiés dans une revue scientifique et présentés le 2 octobre par l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm).
L’étude a porté sur 1428 enfants nés à Nancy et Poitiers, issus de la cohorte EDEN (Étude sur les déterminants pré et post-natals précoces du développement psychomoteur et de la santé de l’enfant). Leurs mères ont été suivies dès la grossesse et ont rempli un questionnaire indiquant le mode d’accueil de leur enfant à l’âge de quatre mois, huit mois, un an, deux et trois ans. Puis, à trois ans, cinq ans et demi et huit ans, elles ont répondu au « Strenghts and difficulties questionnaire », un outil qui mesure cinq aspects comportementaux et émotionnels de l’enfant : symptômes émotionnels, difficultés relationnelles, hyperactivité et inattention, problèmes de comportement, et comportements pro-sociaux (empathie).
« Nous avons observé que globalement les enfants accueillis dans un mode de garde professionnel avant d’entrer à l’école avaient ensuite moins de difficultés émotionnelles que ceux gardés à la maison, par leurs parents, leurs grands-parents ou d’autres proches, indique Maria Melchior, épidémiologiste et directeure de recherche à l’Inserm. Entre trois et huit ans, les enfants qui ont été accueillis en crèche ont trois fois moins de difficultés émotionnelles que les enfants gardés à la maison. Chez les assistantes maternelles nous avons aussi observé un bénéfice mais moins marqué ».
L’étude montre également que le bénéfice de la fréquentation des modes d’accueil sur le développement de l’enfant est plus important pour les filles, qui ont moins de risques de développer des symptômes émotionnels et des problèmes relationnels. Certains résultats, comme la différence entre modes d’accueil collectif et individuel, ont donc surpris les chercheurs. Ils restent à consolider grâce à d’autres études, notamment celles qui seront issues de la cohorte Elfe (Étude longitudinale française depuis l’enfance), portant sur 18 000 enfants nés en 2011. Par ailleurs, la durée journalière de l’accueil, le nombre d’enfants accueillis par les assistantes maternelles, la fréquentation d’un Relais d’assistantes maternelles (RAM) ou d’une association, la formation et l’expérience des professionnelles ne font pas partie des données prises en compte.
« Il ne s’agit pas du tout de dire que les assistantes maternelles ne font pas leur travail comme il faut, conclut Maria Melchior. Je pense qu’il faut plutôt focaliser sur le positif et sur le fait que la France a un système d’accueil exceptionnel, parmi les plus qualitatifs du monde. L’étude suggère que dans un contexte où les enfants de zéro à trois ans bénéficient d’une stimulation intellectuelle par le jeu, la lecture, les activités intérieures et extérieures, qu’ils peuvent construire des liens avec des adultes et en groupe, ils sont alors en mesure d’acquérir de l’estime de soi et d’apprendre à réguler leurs émotions ».
D’où la nécessité de permettre aux assistantes maternelles de disposer de tous les outils, les lieux de ressources, les formations afin non seulement d’accueillir l’enfant, mais de soutenir son développement. Rappelons que l’accueil individuel reste le premier mode d’accueil en France et qu’il souffre depuis plusieurs années d’un manque d’accompagnement par les pouvoirs publics régulièrement dénoncé par les professionnels et leurs représentants.