Violence institutionnelle : une étude issue des témoignages des enfants placés
Cette étude scientifique, nouveau volet de l’étude sur l’accès à l’autonomie des jeunes placés (ELAP), a été élaborée à l’issue de 107 entretiens et 37 témoignages retenus. « Ici, certains jeunes aux parcours heurtés, ceux que l’institution appréhende comme problématiques en raison de leurs comportements « déviants », s’expriment pour donner leur vision a posteriori de leur prise en charge » décrivent les auteures de l’étude.
Violences sexuelles
Les auteurs décrivent d’abord une « chape de plomb » sur les violences sexuelles dans les différents services d’accueil, qu’elles soient commises par des adultes ou des enfants placés. Selon les estimations 31 % des filles et 12 % des garçons placés ont été victimes de violences sexuelles.
Mais « la parole autour de cette question reste encore très difficile, d’autant plus qu’elle peine à être entendue » relève l’étude.
Violences psychologiques
Les violences psychologiques s’expriment plus facilement et « les familles d’accueil semblent le lieu de prédilection de la violence psychologique » relève l’enquête. Les auteures décrivent un « huis-clos » qui souvent « débute par “une lune de miel” avant que le quotidien ne s’envenime ». Trois vecteurs de violences psychologiques ont ainsi été identifiés :
- l’absence ou la faiblesse du soutien des agents de seconde ligne (ASE et département) : « la relégation dans le système de prise en charge favorise certainement les dérapages » décrit l’étude.
- l’ambiguïté des relations enfants/accueillant liée au fait que l’accueil est un service rémunéré : ainsi, « les jeunes accueillis se plaignent fréquemment du fait que les éducateurs ou les familles d'accueil ne font ce métier que pour l’argent. Des tensions peuvent aussi naître lors de la distribution de l’argent de poche ou de l’argent de vêture ».
- le sentiment de discrimination, particulièrement fort parmi les jeunes issus de l’immigration : « le sentiment d’être déconsidéré et exploité est particulièrement fort chez les jeunes filles issues de l’immigration ou celles récemment arrivées en France dont certaines ont souffert de racisme ».
Violences physiques
« Lieu d’accueil privilégié de l’adolescence, avec son lot d'agressivité normalisée », le foyer devient aussi le lieu, avec l’hébergement autonome, où les violences physiques entre pairs sont « plus prégnantes » selon l’étude.
Violences structurelles
L’enquête aborde enfin les violences structurelles, liées aux décisions prises par la chaîne de l’institution : juges des enfants, inspecteurs de l’enfance et référents ASE. Début de parcours mal préparé avec une absence de participation aux décisions, exigence du maintien des liens avec les liens familiaux mais séparation des fratries, ruptures de placement délétères, pression à la sortie du placement : les jeunes apportent leurs témoignages sur ces travers bien connus de l’ASE.
En conclusion, les auteures estiment essentiel « de donner aux jeunes placés des possibilités d’expression ». Car « la violence la plus difficile à vivre est celle qui se heurte à des portes fermées, sans possibilité de partage avec un tiers ou sans aucune réponse adéquate à celle-ci ».
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