En France, les moins de 6 ans toujours bombardés de médicaments
Dans un communiqué en date du 12 juillet, l’INSERM tire la sonnette d’alarme sur un phénomène sanitaire inquiétant : la sur-prescription médicamenteuse aux moins de 18 ans, et tout particulièrement aux moins de 6 ans.
On savait déjà, depuis une étude nationale menée en 2011, que la France avait la fréquence de prescription de médicaments pédiatriques la plus élevée au monde. Mais aussi qu’en raison de leur immaturité, les enfants les plus jeunes sont particulièrement vulnérables aux effets indésirables à court et à long terme des médicaments.
Deux équipes de chercheurs, pour comparer deux périodes
C’est sur ces deux bases que sont partis des chercheurs de l’Inserm et enseignants-chercheurs d’Université de Paris au Centre de Recherche en Épidémiologie et Statistiques (CRESS), avec d’autres de l’université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines / Université Paris-Saclay et de l’AP-HP (groupement d’intérêt scientifique Epi-Phare). Leur objectif ? Quantifier les prescriptions médicamenteuses pédiatriques en pédiatrie ambulatoire en France. Et étudier leur évolution entre 2010 et 2019, grâce aux données fournies par le Système national de données de santé. Une étude publiée dans le numéro d’août de la revue The Lancet Regional Health Europe.
97 % des moins de 6 ans exposés aux médicaments en 2018-2019
Depuis 2011, de nouvelles recommandations ont été émises sur le bon usage de certains médicaments et des politiques de déremboursement instaurées. Ce qui devait logiquement conduire à un usage plus raisonné de ces prescriptions. Ce qui n’a pas été le cas, loin s’en faut. L’étude révèle que sur la période récente (2018-2019), en moyenne, 86 % des moins de 18 ans ont été exposés à au moins une prescription médicamenteuse au cours d’une année. Soit une augmentation de 4 % par rapport à 2010-2011. Un taux qui grimpe à 97 % pour les moins de six ans, la catégorie la plus exposée aux médicaments. Les classes thérapeutiques les plus prescrites sur la période ? Les analgésiques (64 %), les antibiotiques (40 %), les corticoïdes par voie nasale (33 %), la vitamine D (30 %), les anti-inflammatoires non stéroïdiens (24 %), les antihistaminiques (25 %) et les corticoïdes par voie orale (21 %).
Prescription massive d’antibiotique et de corticoïdes oraux
« Une diminution de 12 % de la fréquence de prescriptions d’antibiotiques sur les dix dernières années a été relevée dans notre étude, mais cela reste insuffisant, car plus d’un enfant de moins de 6 ans sur deux a reçu une prescription d’antibiotique dans l’année », explique le Dr Marion Taine, co-auteure de l’étude. Une fréquence, par exemple, 5 fois supérieure à celle observée aux Pays-Bas. Ce qui est grave si l’on considère que la prescription inadaptée d’antibiotiques augmente les résistances bactériennes.
Par ailleurs, l’étude révèle qu’un enfant de moins de 6 ans sur trois a reçu une prescription de corticoïdes oraux au cours de l’année 2018-2019. Un niveau qui reste stable depuis 2010-2011, mais entre 5 et 20 fois plus élevées que celui observé pour des enfants américains et norvégiens. Qu’importent les effets indésirables connus de cette classe thérapeutique. Enfin, 2 % des bébés de moins de 6 semaines ont reçu une prescription d’inhibiteurs de la pompe à proton – des médicaments recommandés uniquement pour les complications du reflux gastro-œsophagien acide – en 2018-2019, et ce, « bien que la fréquence des affections pour lesquelles ce traitement est recommandé est bien inférieur à cet âge », explique Marion Taine.
Mieux cibler les futures campagnes de prévention
Comment expliquer ces chiffres ? Pour les chercheurs, il existerait un rapport plus conscient chez nos voisins étrangers de la balance bénéfice-risque des médicaments. « Ces résultats préoccupants nécessitent des analyses détaillées pour mieux cibler les futures campagnes de formation pour optimiser l’usage des médicaments en pédiatrie. Une meilleure information de la population et des prescripteurs vis à vis de l’usage des médicaments chez l’enfant est indispensable », conclut Marion Taine.