L’éveil à la conscience chez l’enfant : un phénomène précoce, désormais mesuré par la science
Depuis des millénaires, les philosophes se penchent sur la définition de la conscience. Pour les chercheurs, celle-ci se mesure par un phénomène appelé le clignement attentionnel. A savoir le temps de latence existant entre la concentration du cerveau sur un « simulus » (une odeur, un son, un point du champ de vision…) et la perception d’un autre stimulus. Et, si l’on en croit une étude publiée le 8 février dernier par une équipe du Laboratoire de Sciences Cognitives et Psycholinguistique du Centre national de la recherche scientifique (CNRS), dans la revue Current Biology, ce clignement intentionnel – et donc cette conscience – se manifeste chez l’enfant dès l’âge de 5 mois. Avec une accélération constante de la perception du second stimulus jusqu’à 3 ans.
Six expériences visuelles, à des âges divers
Les scientifiques ont réalisé six expériences, rassemblant plusieurs groupes : 48 enfants de 5 mois ; 48 de 8 mois ; 24 de 8 mois ; 24 de 3 ans ; deux groupes d’une vingtaine d’adultes. Les nourrissons, assis sur les genoux de leurs parents à environ 60 cm d’un écran, se sont vu projeter des images de masques absurdes générés à partir de visages brouillés, à l’exception de deux visages humains. Des images apparaissant avec des délais variables en fonction des expériences (entre 100 et 2 100 millisecondes). Les chercheurs ont mesuré l’endroit où leur regard se fixait et le temps de latence entre chaque perception.
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La conscience : un phénomène en deux étapes
« Lorsque deux cibles visuelles (T1 et T2) doivent être détectées, l’observateur manque souvent T2, s’il apparaît peu après T1, comme si l’attention de l’observateur clignait des yeux. Ce phénomène s’explique par le modèle de perception en deux étapes, où un stade sensoriel inconscient précoce est suivi d’un stade tardif et central qui repose sur des ressources attentionnelles limitées. Bien que T1 et T2 soient traités au stade sensoriel antérieur, les limites de capacité de la deuxième étape sont telles que T2 ne peut pas être traité tant que l’attention est occupée par T1. La durée du clignement attentionnel indexe ainsi la vitesse de la phase tardive de traitement des stimuli visuels, qui est associée à la conscience perceptuelle », expliquent les chercheurs.
La durée du clignement intentionnel diminue avec l’âge
Il ressort de ces expériences que ce clignement attentionnel est en place chez les enfants dès 5 mois, mais qu’il est environ six fois plus long que chez les adultes. A savoir que sa durée était de plus d’une seconde, contre 100 à 250 millisecondes chez les adultes. Mais aussi que la durée de cette incapacité à se saisir un autre stimulus diminue à mesure qu’ils grandissent. Chez les enfants de 8 mois, il est environ trois fois plus long que chez les adultes. Et dès l’âge de 3 ans, la durée du clignement attentionnel est équivalente à celle de ces derniers. « Ce qui suggère qu’un aspect fondamental du développement cognitif est l’accélération rapide du stade de traitement tardif de la perception », décryptent les chercheurs. Au fil du développement de l’enfant, de moins en moins d’informations sensorielles sont perdues et une somme croissante d’informations peuvent être intégrées. Avec, à la clé, l’accès à des représentations mentales de plus en plus riches.
Des recherches ultérieures permettront probablement de déterminer si ce phénomène peut survenir avant 5 mois. En attendant, la science confirme, chaque jour davantage, le bien-fondé de l’affirmation des années 1980 selon laquelle « le bébé est une personne ».