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Les MAM et assistantes maternelles victimes collatérales de la crise des micro-crèches privées

Les MAM et assistantes maternelles victimes collatérales de la crise des micro-crèches privées
Publié le 06/02/2025
Laetitia Delhon
Journaliste spécialisée dans le travail social et médico-social, la petite enfance et le handicap
Sur les réseaux sociaux, les accusations et dénigrements portés à l’encontre des professionnelles de l’accueil individuel prolifèrent en toute impunité.

Depuis que la presse s’intéresse de plus près au business des crèches privées et à ses dérives, désormais bien documentées, tant sur le plan financier que de la qualité d’accueil, l’État et la classe politique commencent à réagir : rapports Igas, propositions de loi, travaux parlementaires, et décisions réglementaires fleurissent.
 

Journée « micro-crèches mortes »

Dernier événement qui met le secteur en ébullition : un projet de décret du gouvernement qui vise à augmenter la qualité d’accueil dans les micro-crèches et introduit en conséquence de nouvelles normes d’accueil.

Pour contrer ce projet, les représentants du secteur privé lucratif ont lancé une vaste offensive médiatique, articulée autour d’une journée « micro-crèches mortes » ce lundi. Une campagne décriée par le Syndicat national des professionnels de la petite enfance (Snppe) et la Fédération nationale des éducateurs de jeunes enfants (Fneje), qui saluent la volonté de l’État de renforcer la qualité d’accueil dans les établissements.

Dénigrement public

Mais cette crise rejaillit sur l’accueil individuel, qui se voit dénigré et attaqué dans de nombreux commentaires sur les réseaux sociaux. La cible de choix ? Les Maisons d’assistantes maternelles (MAM). Voici un petit florilège des commentaires trouvés sur Linkedin et Facebook et postés par des gestionnaires de micro-crèches ces dernières semaines (retranscrits tels qu’ils ont été rédigés) :

« Il y’a bien une volonté de nous détruire ! C’est horrible cette sourde oreille ! Et les MAM ont le vent en poupe encore et encore qu’on ne vienne pas me parler de qualité d’accueil !! »

« @Catherine Vautrin ! Je souhaiterai que vous répondiez : pourquoi les Mam ne sont elles pas concernées ? Pourquoi peuvent elles accueillir 16 enfants par jours sans diplôme sans formation continue. Pourquoi ne sont elles pas soumises à la réforme bâtimentaire, à la loi norma et tout ce qui en découle ? » 

« Une ass mat qui a 4 enfants gagne mieux sa vie que moi qui gère 3 structures. Je vous liasse cogiter. Tous les professionnels que vous êtes entrain d’enterrer sont entrain (d)e faire des MaM car moins de contraintes et moins de règles, pas besoin de faire des études . Pas d’obligations de formation HACPP et j’en passe .. Elle est pas belle la vie ? »

« qul’en est il du rapport IGaS qui devait être engagé sur l’accueil individuel et les MaM ? Il y’a de quoi faire une réforme …. Vraiment . Pour TOUS les modes d’accueil . Il y’a omerta sur l’accueil inidividuel et on se demande bien pourquoi . »

« et je ne vous parle pas des ass’ mat qu’on veut faire renaître de leurs cendres! Pathétique ! »

 

Bébé secoué

Autre cible de choix, les assistantes maternelles à domicile. Voici des exemples de commentaires revenant sur les dramatiques affaires de bébés secoués dans l’accueil individuel :

« Bizarrement, on ne parle plus de sécurité et de qualité d’accueil. Pourtant cette semaine dans l’Esonne, une assistante maternelle a été mis en examen pour le meurtre d’un bébé. Une deuxième, dans le Beaujolais, pour avoir étouffé volontairement un bébé. Où sont donc passés les journalistes si prompt à taper sur les crèches privées ? »

« chez les ass mat n’en parlons même pas !! . C’est toute la journée Cf bébé étouffé à Lyon il y’a quelques semaines par une ass mat . Ça vous parle aussi les bébés secoués chez les ass mat ?

 

Des rapports à venir

Aucun mode d’accueil, quel que soit son statut juridique, et qu’il soit collectif ou individuel, n’est exempt de situation de maltraitances, parfois très graves, parfois mortelles.

La seule étude française portant sur les modes d’accueil d’une cohorte de victimes du syndrome du bébé secoué, publié dans la revue Pediatrics en 2020, montre que les violences se sont produites en présence à 51 % d’une « nounou » (sans précision sur le statut d’assistante maternelle ou de garde à domicile), à 27 % du père, à 11 % des mères. Un seul cas avait été recensé en crèche.

Il est questionnant que la France ne cherche pas à se doter d’études plus fines sur le sujet, afin de quantifier et fournir des données fiables sur ce syndrome provoquant des décès ou des séquelles graves chez les jeunes enfants, sur la survenue des cas, les auteurs, les circonstances. Car en l’absence de données, il est difficile d’orienter la prévention, qui devrait évidemment être intensifiée. Mais il n’est pas certain que jeter l’opprobre sur l’ensemble des professionnelles fera avancer le sujet.

Par ailleurs, un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) est en cours et abordera le sujet des maltraitances dans l’accueil individuel, dont le syndrome du bébé secoué, et analysera aussi les MAM. Que les gestionnaires des crèches privées se rassurent donc, ils n’ont pas le privilège exclusif des enquêtes diligentées par l’État, qui a mis certes beaucoup de temps à réagir pour sauvegarder l’ensemble d’un secteur, celui des modes d’accueil, aujourd’hui en souffrance.