« Les Ogres » : le secteur de la petite enfance en ébullition
Le secteur se préparait à la tempête : voici quelques jours, en amont de la publication du livre-enquête intitulé Les ogres (Flammarion) du journaliste Victor Castanet, les membres du comité de filière petite enfance (CFPE) étaient déjà conviés à une réunion qui se tiendra ce mercredi à 18h.
Réunion du CFPE demain
Objectif : adopter une résolution commune face aux premières révélations du livre, que tous les membres n’auront pas encore lu. « Il est important que le comité se positionne sur le principe, prenne acte du livre et s’engage à travailler sur qu’il révèle » indique la présidente du CFPE, Elisabeth Laithier. Il faut dire que le comité a connu d’autres périodes orageuses – publication du rapport de l’IGAS sur les maltraitances en crèche, parution de deux livres-enquête en septembre 2023. Et il a toujours souhaité afficher l’unité du secteur, dénonçant les brebis galeuses certes, mais soutenant l’ensemble des professionnels.
Quelle sera toutefois sa réaction au sujet du « pacte de non-agression » qui aurait été conclu entre l'ancienne ministre des Solidarités et des Familles Aurore Bergé et la Fédération française des entreprises de crèches (FFEC), via sa directrice générale Elsa Hervy, l’un des volets majeurs du livre ? Dans un communiqué publié dès hier, le lobby des crèches privées se gardait bien d’évoquer le sujet pourtant déjà ébruité par Le Parisien vendredi, préférant déjà donner des objectifs au futur ministre de l’enfance…
Pétition nationale
Si le Syndicat national des professionnels de la petite enfance (Snppe) avait dégainé le premier dès la semaine dernière en appelant à une mobilisation nationale, dont la date n’est toujours pas connue, le Collectif pas de bébé à la consigne a lancé aujourd’hui une pétition afin d’obtenir l’application « de toute urgence », c’est-à-dire par décret d’ici la fin 2024, de plusieurs mesures concrètes. Parmi elles : le ratio d’un professionnel pour cinq enfants en 2027 et d’un pour 4 en 2030 dans les structures collectives et l’alignement du régime des micro-crèches sur le celui des crèches.
« De plus en plus de professionnel.les fuient les crèches, de moins en moins de personnes demandent l'agrément d'assistant.e maternel.le, indique le collectif. Les centres de formation ont de moins en moins de candidats, l'accès à la formation continue des assistant.es maternel.les reste très problématique. Et les remplacer par une course à la VAE, toujours plus accessible et plus rapide pour avoir de nouveaux professionnel.les mal préparé.es : c'est la poursuite de la dégradation de la qualité d'accueil ! Il faut agir dès maintenant. »
La CNAF se défend
Dans un communiqué publié cet après-midi, la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf), affirme avoir pris « ces dernières années » des mesures visant notamment à renforcer le contrôle des crèches. « Contrairement aux affirmations du livre, les agissements du groupe People and Baby n’ont pas échappé à la Cnaf et aux Caf, trois fois plus contrôlé que la moyenne » indique-t-elle. La Cnaf prévient toutefois se réserver la possibilité « d’engager des démarches judiciaires, y compris pénales, face à certaines pratiques évoquées par l’ouvrage ».
Réactions politiques
Les éléments du livre déjà révélés appellent pour le groupe parlementaire LFI, dans un communiqué publié hier, à « des mesures politiques fortes » face à un bilan de la marchandisation de la petite enfance « catastrophique » : « le gel des places de crèches privées lucratives, le renforcement du contrôle administratif des grands groupes et l’investissement dans un véritable service public de la petite enfance ».
« Les informations glaçantes révélées dans ce livre ainsi que les accords tacites conclus entre une membre du gouvernement et une représentante d’une fédération d’entreprises de crèches ne peuvent que nous pousser à questionner ce système dysfonctionnel et brutal pour les enfants qu’il est censé prendre en charge » a réagi la députée socialiste Isabelle Santiago, invitant à « restructurer intégralement le système financier de la petite enfance dans le secteur privé ».
Quelles suites ?
Mais quelles suites politiques d'envergure, en l'absence de gouvernement et avec une Assemblée nationale qui reprend tout juste ses travaux ? Sur ce sujet loin d’être nouveau, les pouvoirs publics n’ont jamais brillé par leur réactivité, ouvrant un boulevard à l’ensemble des dérives aujourd’hui bien connues, et à la crise d’un secteur qui ne cesse depuis 2010 et le décret Morano, de dénoncer l’assouplissement des normes et les atteintes à la qualité d’accueil.