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Des millions de microplastiques libérés lors de la stérilisation des biberons

micro plastiques biberons
Publié le 14/11/2020
Catherine Piraud-Rouet
Journaliste spécialisée en puériculture et éducation
Certains biberons en plastique libèrent jusqu’à 16 millions de microplastiques par litre lors de la procédure recommandée de stérilisation et de préparation. Un chiffre alarmant révélé par une récente étude britannique, qui délivre aussi des recommandations pour un protocole alternatif.

Un bébé avale chaque jour en moyenne quelque 1,6 million de microparticules de plastique détachées de son biberon. C’est le constat alarmant issu d’une étude publiée le 19 octobre dans la revue scientifique britannique Nature Food. Les microplastiques sont des morceaux de plastique de taille inférieure à 5 mm. On sait depuis une dizaine d’années qu’ils constituent une source majeure de pollution de l’environnement, ainsi qu’une menace pour la reproduction, le développement et le comportement humains.
 

Procédure recommandée par l’OMS

Les scientifiques ont exposé chacun des modèles les plus vendus de biberons en polypropylène - un plastique qui représente quelque 82 % du marché total des récipients pour bébés - à la procédure de préparation recommandée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) : stérilisation du biberon, puis préparation du lait maternisé avec une eau chauffée à 70 °C, pour éliminer d’éventuelles bactéries. Ils ont combiné leurs données avec les taux d’allaitement au biberon en plastique dans 48 régions, couvrant les trois-quarts de la population mondiale.
 

Des millions de particules de microplastiques ingérées par les bébés

Le résultat de leurs recherches fait froid dans le dos : certains biberons libèrent jusqu’à 16 millions de microplastiques par litre, un chiffre qui grimpe avec la température de stérilisation. Ainsi, si l’eau pour préparer le lait est chauffée à 95 °C, la quantité peut monter jusqu’à 55 millions par litre ; et descendre à un peu plus d’un demi-million avec une eau à 25 °C. Sans compter des millions de millions de particules de nanoplastiques (particules mille fois plus petites). En moyenne, les chercheurs ont estimé que les bébés étaient exposés à 1,6 million de microparticules de plastique par jour durant leur première année. Et jusqu’à 2 millions pour les Etats-Unis, l’Australie et l’Europe.
 

Protocole alternatif

Pour limiter l’exposition des bébés, l’équipe propose un protocole alternatif : rincer les biberons trois fois à l’eau stérilisée froide après stérilisation, préparer la poudre de lait dans un récipient en verre ou en Pyrex avant de verser le liquide refroidi dans le biberon, sans secouer celui-ci, et ne pas le mettre au micro-onde. Il est également possible de se tourner vers les biberons en verre. S’ils sont parfaitement sûrs, ils présentent toutefois l’inconvénient d’être « lourds et cassables » et restent marginaux sur le marché, notent les auteurs.

« Pour les parents qui allaitent leurs enfants au sein, il est important de garder en mémoire que la plupart des dispositifs d’aide à l’allaitement sont également faits de polypropylène. Nous recommandons de les stériliser aussi, mais de les rincer à l’eau froide », recommande John Boland, interviewé dans un article de la revue The Scientist.

Pas d’alarmisme

Les chercheurs se refusent toutefois à tout alarmisme, ainsi qu’à culpabiliser les parents, « l’allaitement artificiel étant une nécessité pour de nombreux parents qui ne peuvent allaiter pour une multitude de raisons », relève le docteur Fay Couceiro, de l’université de biochimie de Portsmouth, cité par la revue Science Media Centre . D’ailleurs, « ces niveaux sont des estimations et non des mesures », note le professeur Oliver Jones, de l’Université de Melbourne, cité dans un article du Guardian. Surtout, les chercheurs n’ont, à ce jour, aucune idée précise des implications des microplastiques en termes de santé humaine.
 

Un problème à creuser d’urgence

Ces travaux sont considérés par les experts comme une « étape importante » dans la compréhension de l’exposition humaine aux microplastiques. Pour les scientifiques, face à l’utilisation généralisée des biberons en plastique, il y a un « besoin urgent » d’évaluer le problème, en particulier pour ce qui touche aux enfants. « Des travaux complémentaires s’imposent pour savoir combien sont absorbés par le système sanguin et pénètrent d’autres parties du corps », admet John Boland.