L’Europe avance sur les droits de l’enfant
« Offrir aux enfants dans l’Union européenne et partout dans le monde la meilleure vie possible » : telle est l’ambition de la stratégie européenne sur les droits de l’enfant, présentée le 24 mars par la Commission Européenne. C'est une première : l’institution se déclare ainsi déterminée « à placer les enfants et leur interêt supérieur au coeur des politiques de l’Union », où un habitant sur cinq est un enfant.
Car s’ils ont acquis des droits ces dernières années, « les enfants demeurent les victimes de différentes formes de violences, et continuent d’être en proie à une exclusion et à une discrimination socio-économiques fondées notamment sur leur sexe, leur orientation sexuelle, leur origine raciale ou ethnique, leur religion ou leurs convictions, leur handicap – ou ceux de leurs parents ».
Six axes d’actions
La stratégie comporte six axes thématiques, avec pour chacune des actions à mettre en place par la Commission et les Etats membres :
→ La participation des enfants à la vie politique et démocratique.
→ L’inclusion socio-économique, santé et éducation, contre la pauvreté.
→ La lutte contre la violence à l’égard des enfants et la protection.
→ Une justice adaptée aux enfants.
→ Une société numérique sécure.
→ Une Union qui porte les droits des enfants au niveau mondial.
Accès aux modes d’accueil
Un accès plus large à des places d’accueil du jeune enfant figure parmi les ambitions de la Commission, qui propose de revoir les objectifs de Barcelone (ndlr : objectifs de développement des modes d’accueil dans l’Union établis en 2018 par la Commission européenne). La Commission pointe ainsi le faible taux d’accès à des modes d’accueil des enfants en situation de handicap, issus de groupes défavorisés, de l’immigration et des enfants Roms.
La garantie européenne pour l’enfance
Outre cette stratégie, la Commission propose la mise en place d’une garantie européenne pour l’enfance pour que les enfants en situation de pauvreté puissent accéder à des services essentiels. Ces enfants représenteraient 22 % des enfants vivant dans l’Union européenne en 2019. Cette garantie européenne sera inscrite dans une recommandation du Conseil de l’Union européenne.
Gratuité des modes d’accueil
La recommandation invite ainsi les États membres « à garantir aux enfants dans le besoin un accès effectif et gratuit aux structures d’éducation et d’accueil de la petite enfance, à la scolarisation (et aux activités périscolaires), à un repas sain chaque jour d’école et aux soins de santé ». Deuxième recommandation principale : « l’accès effectif à une alimentation saine et à un logement adéquat ».
Pour faciliter la mise en œuvre de cette garantie, sur la période 2021-2027,« les États membres dont le taux d’enfants exposés au risque de pauvreté ou d’exclusion sociale est supérieur à la moyenne de l’Union en 2017-2019 devront consacrer 5 % des ressources du Fonds social européen plus (FSE+) à la lutte contre la pauvreté ou l’exclusion sociale des enfants, et les autres États membres devront réserver un montant approprié ». Le Fonds européen de développement régional sera aussi mis à contribution.
TRÈS PEU D'ECHO EN FRANCE
Cette politique européenne relative aux droits de l’enfant a notamment été impulsée par les acteurs associatifs, dont le réseau Eurochild (la Cnape -fédération des associations de protection de l'enfance- est tête de réseau pour la France), et l’Unicef. Or malgré son caractère inédit, le gouvernement français reste muet à son sujet. « Il n’a jamais été autant question de droits de l’enfant en Europe, cette stratégie est complètement innovante, mais le gouvernement ne communique pas dessus » souligne Audrey Hanne, responsable projets européens et droits de l’enfant à la Cnape. Selon elle, cette absence de visibilité est en partie due à un manque de transversalité. « La garantie européenne pour l’enfant est financée par le FSE+ qui est rattaché au ministère du Travail, et la stratégie est gérée par le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères. Nous avons juste pu consulter un courrier interministériel indiquant que la France y était favorable ».
La France, comme les autres états membres, dispose de six mois pour proposer un plan d’action. Mais, au-delà des intentions, la mise en œuvre des mesures s’annonce difficile. « Les fonds européens répondent à des procédures très compliquées, avec des contrôles très poussés, demandent une ingénierie telle qu’elle nécessite parfois le recrutement d’un salarié. Donc les associations du secteur sont très réticentes à les utiliser. Pour y parvenir, il va falloir simplifier les procédures ».