Les jeunes enfants perçoivent les émotions avant tout par ce qu’ils entendent
En 1974, le scientifique américain Francis B. Colavita faisait une découverte devenue un pilier de la psychologie humaine : lorsque nous sommes confrontés à un stimulus à la fois visuel et auditif, nous avons tendance à répondre davantage au composant visuel. Aujourd’hui encore, l’expression « effet Colavita » désigne la dominance visuelle dans les processus attentionnels.
L’ « effet Colavita » : pas avant huit ans
Mais une étude de psychologues de la Durham University (Royaume-Uni), publiée dans le numéro d’avril 2021 du Journal of Experimental Child Psychology, lance un pavé dans la mare : l’effet Colavita ne s’appliquerait pas aux jeunes enfants (en-dessous de huit ans). Ceux-ci perçoivent en effet les émotions d’abord par ce qu’ils entendent plutôt que par ce qu’ils voient.
Des émotions à distinguer en fonction de deux types de stimuli
L’équipe a mené deux expériences avec des enfants et des jeunes de trois tranches d’âge (7 ans et moins, 8-11 ans et 18 ans et plus). La tâche à accomplir était relativement simple : il s’agissait de discriminer des visages et des voix selon l’émotion qu’ils véhiculaient (joie, tristesse, peur, colère).
L'équipe a constaté que lorsqu’il fallait identifier l’émotion à partir du stimulus auditif (la voix) tout en ignorant le signal visuel présenté simultanément, les participants, toutes tranches d’âge confondues, accomplissaient la tâche avec 90 % de bonnes réponses quand les stimuli étaient concordants. En revanche, lorsque les stimuli étaient opposés et qu’il s’agissait de se concentrer sur le stimulus visuel, les plus jeunes enfants se trompait dans 60 à 70% des cas. Les plus âgés, un peu moins, mais bien plus que les adultes. Au final, une écrasante majorité des jeunes enfants a donné la priorité à ce qu'ils pouvaient entendre, par rapport à ce qu’ils pouvaient voir.
Des stimuli auditifs qui s’imposent aux plus jeunes
Qui plus est, les enfants des deux catégories ont eu de très mauvais résultats lorsqu’ils devaient ignorer les stimuli auditifs présentés, avec un taux de réussite tombant parfois sous les 30 % quand les stimuli visuels et auditifs étaient opposés. En clair, il leur était presque impossible d’ignorer ces stimuli auditifs, même lorsque cela leur était explicitement demandé.
Des perspectives considérables
Ces résultats sont particulièrement importants. Savoir comment les enfants traitent les stimuli qu’ils perçoivent, notamment pour saisir les émotions qui se dégagent d’une situation, pourraient impacter les modes de transmission des connaissances et l’éducation par les parents, les enseignants et les éducateurs divers (dont les assistantes maternelles). L’étude ouvre aussi de nouvelles pistes aux professionnels de la petite enfance pour comprendre la reconnaissance émotionnelle chez les enfants affectés de troubles du développement comme l'autisme.
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