Port du masque chirurgical : des effets mitigés chez les tout-petits
La question des effets négatifs du port du masque pour les tout-petits trouve deux éclairages contrastés dans deux études récentes. Sur le plan sanitaire, ces effets seraient négligeables. Par contre, le port du masque complique singulièrement les interactions des enfants avec les encadrants masqués.
Pas d’effets négatifs sur la santé des enfants
La première étude, italienne, a été publiée dans la revue JAMA Network Open le 2 mars dernier. 47 enfants de 0 à 12 ans ont été amenés à porter un masque chirurgical pendant 30 minutes, avec un test de marche pour les plus de deux ans. Les médecins surveillaient plusieurs paramètres respiratoires, comme la pression partielle en CO2, la saturation du sang on oxygène, la fréquence du pouls et la fréquence des respirations.
Les résultats sont rassurants : aucun de ces paramètres n'a été modifié par le port du masque. Les chercheurs n’ont relevé aucune trace de désaturation en oxygène, (baisse de la quantité d'oxygène dans le sang), ni de détresse respiratoire chez les enfants. « Ces résultats suggèrent que l'utilisation de masques chirurgicaux chez les enfants pourrait être encouragée pendant la pandémie de Covid-19, notamment en vue de la réouverture des écoles », concluent les chercheurs. Avec deux bémols toutefois. D’abord, pour les moins de deux ans, une surveillance constante des adultes est nécessaire, les enfants pouvant avoir des difficultés à retirer leur masque eux-mêmes et à communiquer d'éventuelles difficultés à respirer. Par ailleurs, d'autres travaux devront confirmer ces résultats sur un plus grand nombre d'enfants, pendant plus de 30 minutes.
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De nombreux effets pervers sur les relations psychoaffectives
L’autre étude est issue d’un questionnaire réalisé en décembre 2020 auprès de 600 professionnels de la petite enfance (essentiellement en collectivité) par quatre psychologues spécialistes du développement de l’université Grenoble Alpes et diffusée fin février par le site Les Pros de la Petite Enfance. Elle met le doigt sur les nombreux effets pervers du port du masque en matière d’interactions langagières et affectives avec les enfants, ainsi que des conditions de travail des équipes. Des informations précieuses pour les assistantes maternelles pour qui le port du masque est désormais recommandé en présence des enfants accueillis.
Difficultés relationnelles avec l’adulte masqué
Le constat est assez accablant. « Il y a vraiment des conséquences sur l'échange affectif entre les enfants et les adultes », affirme Anna Tcherkassof, l’une des auteures de l’étude. Les trois quarts des professionnels consultés évoquent des conséquences très visibles. Face à un visage masqué, les enfants sont décrits comme moins expressifs et nettement moins souriants que d'habitude. « Mais dès que l'adulte retire son masque, le visage de l'enfant s'illumine immédiatement, et l'échange reprend », ajoute Anna Tcherkassof. Si les plus grands cherchent à l’enlever à l’adulte, à l’inverse, les plus petits s’alarment si un adulte qu’ils avaient jusque-là vu masqué l’enlève : ils ne le reconnaissent pas.
Obstacle à l’acquisition du langage
Le masque a aussi des effets sur l'acquisition du langage. « Les petits apprennent énormément en observant nos lèvres, la façon dont on prononce les sons. Le masque les prive de ces informations », explique Anna Tcherkassof.
Dégradation des conditions de travail et des pratiques professionnelles
Par ailleurs, pour mieux se faire entendre et comprendre des enfants, les professionnels haussent le ton, ce qui nuit à la sérénité du lieu d'accueil. Beaucoup ressentent le besoin d'enlever le masque régulièrement pour établir le contact, au moment de l'accueil par exemple, pour sécuriser les enfants ou mieux communiquer avec eux. Ils se plaignent aussi des inconvénients physiques occasionnés par le port du masquer en continu : maux de tête, fatigue accrue, difficultés respiratoires, buée… Une gêne que le port du masque inclusif (transparent) ne semble guère améliorer. Ce qui amène parfois les professionnels à diminuer le temps consacré aux chansons, aux comptines et aux lectures d’histoires.
Des résultats à approfondir
Anna Tcherkassof conclut en dédramatisant : « Les enfants ont des capacités d'adaptation extraordinaires. Pour l'instant, il est encore trop tôt pour dire si les conséquences de ce port du masque seront négatives. » Dans tous les cas, cette enquête vient utilement compléter une étude précédente selon laquelle le port du masque impacterait peu les interactions sociales des enfants de 7 ans et plus. Manifestement, la question est plus délicate dans la toute petite enfance… Autant de points que des études ultérieures viendront sans doute préciser.